
Anne-Julia Goutte est la nouvelle directrice générale de Lactalis AOP et Terroirs (Aveyron) depuis le 1er septembre.
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C’est une nomination de marque, et de marques. Anne-Julia Goutte a succédé le 1er septembre à Hugues Meaudre à la tête de Lactalis AOP et Terroirs - connu pour produire notamment le mythique Roquefort Société, l’une des marques agroalimentaires les plus emblématiques de l’Occitanie. Interviewée par Occitanie News, son ton est engagé, et la vision claire. Cette fidèle de Lactalis confie : « Je connais cette maison de l’intérieur depuis près de vingt ans. Mais succéder à mon prédécesseur (nommé directeur général de Lactalis Fromages France, ndlr) reste un enjeu, une responsabilité forte. Je suis très heureuse, et pleinement consciente des défis à relever avec l’équipe ! »
Préparée de longue date
Originaire du Puy-de-Dôme, diplômée de l’Institut Commercial de Nancy, Anne-Julia Goutte a complété son cursus par un MBA (Master of Business Administration) en Pennsylvanie, aux Etats-Unis. Elle débute sa carrière dans le commerce puis choisit le marketing comme fil conducteur, à Strasbourg et Lyon.
En 2006, elle rejoint la division AOP et Terroirs du groupe Lactalis. « Quand je suis arrivée à Roquefort, mon fils aîné avait deux ans. Nous avons trouvé ici un environnement sain, agréable, authentique. » Depuis, elle n’a plus quitté l’Aveyron. Après des fonctions commerciales sur le terrain, elle met le cap sur le marketing, où elle gravit tous les échelons : chef de produit, chef de groupe, directrice marketing en 2015 puis, dix ans plus tard, directrice générale.
« C’est une étape préparée, cela fait 10 ans que je travaille au sein du comité de direction, que je connais nos marques, nos sites, nos producteurs. Mais diriger, c’est une autre dimension ! », glisse-t-elle.
Aveyronnaise d’adoption
Installée avec sa famille au pied du Larzac, à proximité de Roquefort, Anne-Julia Goutte revendique son attachement au territoire. « J’aime marcher, courir, et ce territoire s’y prête. Le plateau du Larzac est mon coup de cœur : c’est là que je me ressource. J’aime la nature aveyronnaise, ses paysages, la météo très sympathique (sourire). »
Avec ses deux enfants, une fille scolarisée au lycée à Saint-Affrique (12) et un fils étudiant à Toulouse (31), elle se sent désormais pleinement Aveyronnaise, et Occitane. « J’aime le cirque de Navacelles, les grottes de L’Aven Armand, le canyon de Bouzouls, les gorges du Tarn… Il faut y aller ! »
Au-delà de l’attachement affectif, elle a multiplié les engagements professionnels locaux. Elle a ainsi siégé à la commission publicitaire de la Confédération Générale de Roquefort et est aujourd’hui vice-présidente de son organisme de gestion, aux côtés de Jérôme Faramond, représentant des producteurs.
Lactalis AOP et Terroirs en chiffres
- 15 sites de fabrication et d’affinage
- 52.000 tonnes de fromages commercialisés chaque année
- 620 millions d’euros de chiffre d’affaires
- 1.700 collaborateurs, dont 1.000 en Occitanie, en Aveyron et en Lozère. 72 recrutements en CDI en 2024, et 34 à mi-année 2025 sur le bassin.
- 1.314 producteurs de lait de brebis partenaires, sur les trois bassins (Occitanie, Pays basque et Corse).
- 18 AOP et 3 IGP commercialisées (Roquefort, Ossau Iraty, Saint Nectaire, Bleu des Causses, Fourme d’Ambert, Cantal, Brocciu, Pérail, Cancoillotte…).
Attirer et former
Avec 1.700 collaborateurs, dont la majorité concentrée sur le bassin brebis en Aveyron et Lozère, Lactalis est un employeur majeur du territoire. Mais l’attractivité doit être travaillée. « Nous évoluons dans des bassins proches du plein emploi. Recruter et fidéliser est un enjeu vital, surtout avec une pyramide des âges qui impose le renouvellement. »
Chaque année, l’entreprise doit mobiliser jusqu’à 150 saisonniers au Massegros, en Lozère (48), lors des pics de production. « Il nous faut convaincre les jeunes que la filière a de l’avenir, et qu’ils peuvent y construire leur carrière », complète la dirigeante. En glissant qu’un « gros projet d’investissement industriel est prévu sur ce site, avec plusieurs millions d’euros pour développer les capacités, via des extensions de lignes de production, et les énergies renouvelables ».
Pour cela, la formation est devenue un axe stratégique. « Le fromage ne s’improvise pas. Nous avons lancé en 2025 avec l’ENIL, École Nationale d’Industrie Laitère, d’Aurillac une formation diplômante de fromager en 16 semaines. C’est essentiel pour sécuriser nos savoir-faire. » Le groupe agroalimentaire mise aussi sur l’alternance : « En 2025, sur 36 alternants, 17 ont été recrutés en CDI. C’est une réussite », se félicite Anne-Julia Goutte. Des visites sont organisées dans les écoles, et le groupe écume les forums emploi pour promouvoir les métiers sur un large bassin, entre Toulouse, Montpellier, Rodez et Clermont-Ferrand. Des démarches sont aussi menées auprès de la restauration collective, « pour que ce secteur joue davantage le jeu ».
Relancer les volumes
Les années d’inflation et l’érosion du pouvoir d’achat des Français impactent les ventes. « Les consommateurs arbitrent. Les fromages de plateau, plus chers, ont été les premiers touchés, avec une baisse des ventes. »
Mais les cent ans de l’AOP Roquefort, célébrés en 2025 et marqués par la venue du Président de la République le 3 juillet, ont relancé la dynamique. « Cet été, nous avons enfin vu une stabilisation des ventes. C’est le signe que nos actions collectives de promotion portent leurs fruits. » L’innovation est un levier précieux. Le Roquefort Société Douceur, lancé cette année, illustre cette stratégie. « Moins salé, plus fondant, il répond aux attentes des consommateurs actuels, tout en respectant le cahier des charges AOP. » Objectif : retrouver désormais de la croissance, pour « tous nos fromages de brebis », qui représentent 70 % de l’activité de Lactalis AOP et Terroirs.
Conjuguer filière et tourisme
Lactalis AOP et Terroirs gère 18 AOP et trois IGP, de l’Auvergne à la Corse, en passant par le Pays basque et bien sûr l’Aveyron. « Nous sommes la vitrine de l’excellence fromagère française ! », lance Anne-Julia Goutte.
Pour mettre en valeur cette marque étendard de l’Occitanie, le projet de requalification de « Roquefort Demain » est sur le point d’aboutir. Lancé par la Région Occitanie, le syndicat mixte du Combalou, l’État et le Département de l’Aveyron, il prévoit une Maison du Roquefort et un parcours touristique modernisé, opérationnels à l’été 2026. « Ce sera un levier formidable pour faire parler de nos produits, donner envie de consommer du Roquefort, faire du bruit autour du Roquefort, et pour soutenir le territoire ! Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, a relancé ce projet qui était à l’arrêt »
Relation avec l’amont laitier : préparer l’avenir
Lactalis AOP et Terroirs collabore avec 840 producteurs de lait de brebis en Occitanie. « Le renouvellement des générations est vital. Nous devons accompagner les jeunes, financièrement et techniquement, pour qu’ils puissent s’installer. »
L’entreprise travaille aussi sur les grands enjeux de société : transition énergétique, réduction de l’empreinte carbone, bien-être animal. « La majorité de nos émissions de gaz à effet de serre viennent de l’amont laitier. Nous avons une responsabilité forte, et nous mettons en place des outils de mesure avec nos producteurs. »
Au-delà de l’environnement, il s’agit de préserver l’attractivité de la filière. « La qualité de vie des éleveurs est un enjeu. Si nous voulons assurer la pérennité de cette filière, nous devons la rendre durable humainement autant qu’économiquement. »
Guider le consommateur
Anne-Julia Goutte estime que la marque « Sud de France » est bénéfique, « mais encore jeune (15 ans, ndlr). ‘Fabriqué en Bretagne’ rayonne davantage, car cela fait trente ans qu’ils la construisent. » Elle alerte sur le risque de confusion. « Entre AOP, IGP, Nutriscore et autres labels, le consommateur peut se perdre. Il nous faut revendiquer nos origines, et travailler nos marques commerciales. »
Son credo : « Nous devons développer Société, Lou Pérac, Salakis. Notre rôle est de donner envie, partout, de mettre du fromage de brebis sur les tables et dans la cuisine, pour s’adapter aux modes de consommation des plus jeunes ! »
Anne-Julia Goutte incarne une nouvelle génération de dirigeantes : attachée au territoire, tournée vers l’avenir. « Je suis ancrée ici, je connais nos producteurs, nos équipes », conclut-elle. Avec une dimension d’ambassadrice assumée : « En Aveyron, le tourisme est un levier majeur, et le Roquefort en est l’un des piliers. Nos caves accueillent près de 65.000 visiteurs par an, complétées par notre boutique de Séverac-en-Aveyron et nos deux restaurants à Roquefort. Nous offrons ainsi bien plus qu’un produit : une expérience unique. Ainsi, nos activités touristiques Société font rayonner notre territoire et attirent plus de 150.000 personnes chaque année. »

