
En Occitanie, deux domaines se distinguent en matière de numérique : les mobilités et la santé globale.
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Le numérique n’est plus un secteur en soi, mais un levier transversal. « Le numérique, c’est l’avenir de toutes les filières », affirme Marc Sztulman, délégué à la souveraineté numérique et à la cybersécurité à la Région Occitanie, et président de Cyber’Occ, centre cybersécurité régional.
Toulouse et Montpellier, deux pôles moteurs
Parmi les nombreux champs d’application, deux domaines se distinguent : les mobilités et la santé globale. À Toulouse, l’écosystème s’appuie sur l’IA-cluster Aniti et sur des industriels comme Airbus, Thales ou Continental. Les IA embarquées y permettent déjà d’optimiser le trafic aérien, d’améliorer la sécurité en vol, de piloter des drones en essaim ou de simuler des vols grâce à l’eye-tracking.
À Montpellier, les cas d’usage de l’IA concernent entre autres la médecine de précision, la robotique chirurgicale, l’aide au diagnostic, ou la conception de prothèses, portés notamment par l’association IA Montpellier Méditerranée.
Ll’intelligence artificielle irrigue bien au-delà de ces deux filières : agriculture, environnement, industrie, culture, sécurité…
Des entreprises incarnent cette diversité : Naïo Technologies (robots agricoles, Escalquens), Geomatys (anticipation des pics de pollution de l’eau, Montpellier), Ogoxi (prévention incendie par capteurs, logiciels et IA, Saint-Laurent-de-Neste), Sunibrain (refroidissement intelligent des panneaux solaires, Colomiers), EasyMile (véhicules autonomes, Toulouse) ou encore le studio Ubisoft à Montpellier, qui travaille la génération de contenus créatifs et l’automatisation de tâches répétitives.
Ne pas rater le train
La transformation par l’intelligence artificielle modifie en profondeur les professions. Et ce n’est qu’un début. Gare aux retardataires : le train est lancé à grande vitesse. Par exemple, les cabinets d’avocat qui n’utiliseront pas l’IA vont disparaître. L’enjeu est de transformer cette révolution en opportunité, en automatisant les tâches répétitives ou encore la gestion documentaire. Selon l’expert, la cybersécurité et l’intelligence artificielle ne représentent donc pas des coûts, mais des investissements. Quand c’est bien mené, le retour sur investissement est immédiat. Dicter à la volée, automatiser des réponses ou des réunions, c’est autant d’heures gagnées chaque semaine.
L’enjeu de la souveraineté
Une condition : adopter une démarche « structurée, et en privilégiant des éditeurs nationaux ».
« Cela fait dix ans que l’on parle de souveraineté à la Région, rappelle Marc Sztulman. Nous avons déployé en interne des solutions souveraines et nous sommes sortis des Gafam. C’est rare : peu de Régions l’ont fait. L’accompagnement des entreprises procède de la même logique. Notre objectif consiste à conserver de la valeur sur le territoire, à renforcer la sécurisation des systèmes d’information, à systématiser le recours à l’IA. »
La Région Occitanie revendique être la première en France à avoir adopté un plan IA fondé sur la souveraineté, la capacité de calcul et l’éthique. Elle accompagne une centaine de start-up de rupture, sur l’IA comme sur le quantique, et a lancé Ekitia, une charte pour des usages responsables. Le supercalculateur Adastra, implanté à Montpellier, illustre cette cohérence : C’est le calculateur le moins énergivore de France, il consomme 30 % d’eau et d’électricité en moins.
Côté éditeurs, des références nationales, comme Septeo (Lattes – 34), a atteint une taille critique pour développer une IA souveraine. Un vrai atout : ChatGPT fait des erreurs et n’est pas déployable en entreprise car y a le risque de se faire aspirer des données par un tiers, qui deviendra plus compétitif.
Une sensibilisation sur la souveraineté de la data et de l’IA reste à mener. Malgré son classement à la 8e place des éditeurs français de logiciels (selon le classement Truffle Capital/CXP), l’industriel de la legal tech Septeo estime souffrir d’un déficit de notoriété. « Alors que la maîtrise de la donnée est un élément majeur de souveraineté, et que nous en sommes un acteur de poids », fait remarquer Hugues Galambrun, son PDG.
Acculturation permanente
L’IA va tellement vite que ce qui semblait délirant hier peut être déployé demain. Il plaide pour une acculturation permanente, citant des initiatives comme l’IA Tour du Medef ou les actions des CCI. « Tout est bon à prendre. Il faut que l’apprentissage soit continu : pour rester compétitif avec l’IA, il faut prendre en compte le fait que les versions changent toutes les trois semaines, pas tous les trois ans ! »
À ce sujet, Luc Marta de Andrade, entrepreneur toulousain, fondateur de U-Need (infra cyber, datas IA, management de projets) et du think tank NXU (Next Humanity), lance en novembre avec Toulouse Business School une formation de 4 jours sur l’IA (à Toulouse et Paris), à destination de dirigeants d’ETI et de PME, et de directeurs de services. « L’IA, tout le monde en a pris conscience, mais faire la bascule pose encore problème. C’est un gain de productivité, pour faire plus de tâches – ce qui est très important, par exemple en médecine alors que les hôpitaux sont débordés -, ou en faire de nouvelles. C’est aussi un apport en termes de créativité. L’IA ne se résume pas à un changement d’outil et de méthode. Elle doit pouvoir révolutionner tout le modèle économique de l’entreprise », explique-t-il.
Expérimentation
L’expérimentation est essentielle. Il faut tester beaucoup de choses avant d’intégrer un système IA en production. Souvent, la première solution n’est pas la meilleure. Il existe des outils français pour les comptes rendus automatisés de réunion avec affectation de tâches et résumé des précédentes réunions, ou Parakeet, un système de prise de note par dictée, open source, gratuit, impressionnant de précision, même si un peu complexe à installer. Au final, des heures entières sont gagnées chaque semaine ! Le gain de productivité est immédiat. Ou encore, une IA qui réalise des brouillons de réponses aux mails reçus par l’utilisateur, et planifie les rendez-vous automatiquement.
Autre conseil : un poste dédié à l’IA dans l’entreprise s’impose, pour éviter le shadow IA (utilisation masquée de l’IA par les collaborateurs), les fuites de données… Pour effectuer les premiers pas, un accompagnement par des partenaires solides et de confiance est souhaité. Il cite en exemple, en Occitanie, BEA Solutions à Alès, une des entreprises les plus sérieuses pour implémenter des solutions, et Akawan à Toulouse.
La collectivité a déployé une politique fondée sur deux piliers : le Contrat de Filière Numérique et la Stratégie régionale Intelligence Artificielle, un plan pluriannuel doté de 60 M€.
Six axes structurent cette stratégie : accompagnement à l’innovation, développement des infrastructures (data centers, calculateurs…), anticipation du cadre réglementaire européen, formation et emploi, accès aux grands jeux de données et attractivité du territoire.
Centre régional de cybersécurité : de plus en plus d’appels
Le programme Cyber’Occ, public et gratuit, illustre cette volonté. Il accompagne les entreprises victimes (ou soupçonnant) une cyberattaque à leur encontre.
Cyber’Occ joue un rôle de chef d’orchestre pour fédérer un écosystème régional et assurer les mises en relation. « Nous avons un centre de réponse à incidents, nous faisons le lien entre les entreprises et les prestataires, car certaines pépites ont des marchés à l’autre bout de la France sans visibilité ici », explique-t-il. Cyber’Occ reçoit désormais 150 appels par an, selon une courbe « exponentielle ».
L’écosystème régional de cybersécurité comprend trois types de “pépites” :
- Des acteurs ultra-spécialisés, comme ceux qui accompagnent les sous-marins nucléaires ou sécurisent les téléphones portables (à l’image de Pradeo). Ces entreprises n’ont que très peu de concurrents dans le monde.
- Des entreprises capables de traiter des volumes importants de clients, telles Airbus Protect ou Orange Cyber.
- Des pionniers, parfois à contre-courant à leurs débuts, et devenus aujourd’hui des références, comme NetExplorer (cloud souverain) ou BlueMind, messagerie collaborative souveraine, « une alternative crédible aux messageries américaines », souligne Marc Sztulman.
En savoir plus
- Consulter le dossier de presse - La Région Occitanie adopte un Plan de 60 M€ dédié aux Intelligences Artificielles
- Consulter l’article "La filière Numérique" de la Région Occitanie
- Télécharger en .pdf et consulter la charte pour des usages responsables d’Ekitia
- Consulter le site de l’association IA Montpellier Méditerranée
- Consulter le site d’ANITI

